La technologie arme le pouvoir et bouleverse les services publics

Les divulgations de données, la propagande algorithmique et la crise salariale ont dominé octobre.

Sylvain Carrie

L'essentiel

  • Des centaines d’agents fédéraux ont vu leurs données divulguées lors d’une attaque ciblée.
  • Une liste d’ennemis a été publiée au niveau exécutif, normalisant la pression politique.
  • Des contrôleurs aériens travaillant sans salaire se sont déclarés malades, ralentissant le trafic national.

Sur r/technology, le mois a révélé une vérité crue : la technologie est devenue l’arme et le théâtre du pouvoir. Intimidation organisée, polarisation algorithmique et propagande médiatique s’y entremêlent. Les effets ne sont plus virtuels : ils redessinent la vie civique et les services publics.

Intimidation numérique: listes noires, dox et normalisation de l’extrême

La peur se fabrique en flux. La récente divulgation ciblée des données de centaines d’agents fédéraux a rappelé que l’arsenal numérique n’a plus de garde-fous, tandis que l’exécutif a assumé une escalade politique avec une liste d’ennemis publiée sur le site de la Maison-Blanche. Deux faces d’un même mécanisme de pression: marquer, isoler, punir.

"Le président des États‑Unis a une liste d’ennemis. Un milliardaire de 79 ans a une liste d’ennemis. Pour n’importe qui d’autre, ce serait un signal d’alarme pour l’hôpital psychiatrique et un passage par la police locale. Mais pour lui, non seulement cela ne choque pas une grande partie de la population, c’est ouvertement soutenu et activement poursuivi." - u/okimlom (8892 points)

La logique d’« exposition » s’est aussi muée en opportunisme: un site militant a collecté des dons en cryptomonnaie pour « démasquer » des critiques puis a disparu, confirmant que l’économie de l’indignation sait monétiser la vengeance. Dans le même temps, des messages privés de Jeunes Républicains exhibent une banalisation assumée de l’extrémisme. Dox, listes noires, escroqueries et provocations racistes se reforment en écosystème cohérent : inciter, exposer, récolter.

Algorithmes et propagande: le cadrage de l’attention

La bataille se joue à la racine de l’attention. AOC a mis en garde contre une polarisation alimentée par les algorithmes, décrivant des bulles cognitives qui se referment. Au même moment, les médias ont édulcoré une vidéo générée par IA du président, où l’euphémisme a remplacé la nature du message: un choc symbolique présenté comme un spectacle.

"Algorithmes, pièges à indignation par des robots locaux, pièges à indignation par des robots étrangers, et des imbéciles qui alimentent l’indignation sur internet..." - u/Persimmon-Mission (2570 points)

Quand l’État s’invite dans les tuyaux, la propagande devient fonctionnelle: des réponses automatiques d’employés ont été modifiées de force pour accuser un camp. Et l’international s’en mêle: une publicité citant Reagan contre les droits de douane a suffi à faire vaciller des négociations, preuve que la bataille de l’interprétation est désormais orchestrée par l’architecture médiatique elle-même.

Service public et science: la technologie au pied du mur

Le choc narratif finit par percuter la réalité matérielle. Des contrôleurs aériens, contraints de travailler sans salaire, se déclarent malades et le pays ralentit. L’automatisation n’y change rien: sans confiance ni rémunération, les systèmes s’enrayent.

"On ne vit pas de patriotisme seul, on a des factures à payer." - u/Fawnleavez (4087 points)

Face aux emballements et aux peurs, la parole scientifique tente de réintroduire la nuance: Robert F. Kennedy Jr. rappelle qu’il n’existe pas assez de données pour établir un lien entre le paracétamol et l’autisme. La leçon stratégique du mois est claire: quand les plateformes dictent le cadre, l’État, les médias et la science n’ont d’autre choix que d’opérer avec précision, transparence et mesure — ou de se laisser emporter par la marée.

Questionner les consensus, c'est faire du journalisme. - Sylvain Carrie

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Sources